8. Flotte stellaire

 

Sir Lawrence Tsung n’était pas un sentimental et il était un trop grand voyageur pour prendre au sérieux le patriotisme, encore que, lorsqu’il était tout jeune étudiant, il eût porté brièvement les nattes artificielles à la mode pendant la troisième révolution culturelle. Malgré tout, la reconstitution, au Planétarium, de la catastrophe de Tsien l’émut profondément et l’amena à consacrer à l’espace une grande partie de son énergie et de son influence considérables.

Bientôt, il prit l’habitude de week-ends sur la Lune et nomma son avant-dernier fils Charles (l’enfant à trente-deux millions de sols) vice-président de Tsung Astrofret. La nouvelle société n’avait que deux fusées-béliers à propulsion d’hydrogène, lancées par catapulte, mais elles suffiraient à apporter à Charles une expérience qui, Sir Lawrence en était certain, serait indispensable dans les décennies à venir. Enfin, enfin ! L’ère spatiale allait réellement débuter.

Un demi-siècle à peine avait séparé les frères Wright de l’ère du transport aérien bon marché et à la portée de tous ; il avait fallu deux fois plus de temps pour relever le défi infiniment plus grand du système solaire.

Lorsque Luis Alvarez et son équipe avaient découvert la fusion muon-catalysée dans les années 1950, elle était simplement apparue comme une amusante curiosité de laboratoire, d’un intérêt purement théorique. Tout comme le grand Lord Rutherford avait ridiculisé les perspectives de la puissance atomique, Alvarez lui-même doutait que cette « fusion nucléaire froide » pût un jour avoir une importance pratique. Il fallut attendre 2040 pour que la fabrication accidentelle de « composés » muonium-hydrogène stables amène à tourner une nouvelle page de l’histoire humaine, exactement comme la découverte du neutron avait inauguré l’âge atomique.

À présent, il était possible de construire de petites centrales nucléaires portatives, avec un minimum de boucliers. Des investissements tellement énormes avaient déjà été consacrés à la fusion conventionnelle que les services internationaux de l’électricité ne furent d’abord pas perturbés mais l’impact sur les voyages spatiaux fut immédiat ; une telle révolution n’était comparable qu’à celle du siècle précédent dans les transports aériens.

Les vaisseaux spatiaux, n’étant plus énergétiquement limités, pouvaient atteindre des vitesses infiniment supérieures ; les temps de vol dans le système solaire allaient se mesurer en semaines, plutôt qu’en mois ou même en années. Mais la propulsion-muon demeurait un système à réaction, une fusée sophistiquée, pas très différente dans le principe de ses ancêtres à carburant chimique ; il lui fallait un liquide actif pour lui imprimer une poussée. Et le meilleur marché de tous les liquides actifs, le plus propre, le plus commode était… l’eau.

Le Pacific Spaceport ne risquait pas de se trouver à court de cet utile carburant. Il en allait tout autrement à l’escale suivante, sur la Lune. Pas la moindre trace d’eau n’avait été découverte par les missions Surveyor, Apollo et Luna. Si jamais la Lune avait possédé une eau indigène, des millénaires de bombardements météoriques l’avaient fait bouillir et jaillir dans l’espace.

C’était du moins ce que croyaient les sélénologues ; pourtant, des indices du contraire étaient visibles depuis que Galilée avait braqué son télescope sur la Lune. Quelques montagnes lunaires, pendant quelques heures après l’aube, étincellent comme si elles étaient couronnées de neige. L’exemple le plus connu est celui du magnifique cratère Aristarque que William Herschel, le père de l’astronomie moderne, vit briller si vivement dans la nuit lunaire qu’il jugea que ce devait être un volcan en activité. Il se trompait ; ce qu’il avait vu, c’était le clair de Terre reflété sur une mince et fugace couche de givre, condensé pendant les trois cents heures d’obscurité glaciale.

La découverte d’immenses dépôts de glace sous la vallée de Schroter, la gorge sinueuse qui partait d’Aristarque, fut le dernier membre de l’équation qui allait révolutionner l’économie du vol spatial. La Lune pouvait devenir une station-service, exactement à l’endroit adéquat, très haut aux confins du champ de gravitation terrestre, au départ de la longue traversée vers les planètes.

Cosmos, le premier vaisseau de la compagnie Tsung, fut conçu pour transporter du fret et des passagers sur la ligne Terre-Lune-Mars et, à la suite d’accords complexes avec plus d’une dizaine d’organisations et de gouvernements, utilisé pour expérimenter la propulsion-muon. Construit au chantier spatial d’Imbrium, il avait une force de poussée juste suffisante pour décoller à vide de la Lune ; évoluant d’orbite en orbite, il ne toucherait plus jamais la surface d’aucun monde. Avec son sens habituel de la publicité, Sir Lawrence s’arrangea pour que le départ du voyage inaugural ait lieu le jour du centenaire de Spoutnik, le 4 octobre 2057.

Deux ans plus tard, le vaisseau jumeau Galaxy vint s’ajouter à Cosmos. Conçu pour la liaison Terre-Jupiter, il pouvait opérer directement vers n’importe quel satellite jupitérien, à condition de sacrifier considérablement la charge utile. En cas de besoin, il pouvait même retourner à son port lunaire pour réparations. C’était de loin le véhicule le plus rapide jamais conçu par l’homme : en consommant d’un coup la totalité de son combustible en un unique effort d’accélération, il était capable d’atteindre une vitesse de mille kilomètres-seconde, ce qui lui permettrait d’effectuer la liaison Terre-Jupiter en une semaine et de se rendre sur l’étoile la plus voisine en à peine plus de dix mille ans.

Le troisième vaisseau de la compagnie – l’orgueil et la joie de Sir Lawrence – tirait parti de toute l’expérience accumulée sur les deux premiers. Mais Univers n’avait pas une vocation de cargo. Il était destiné à devenir le premier « paquebot » stellaire sur les lignes spatiales, jusqu’à Saturne, ce joyau du système solaire.

Sir Lawrence projetait quelque chose de spectaculaire pour son voyage inaugural mais les retards de la construction, dus à un conflit avec le Syndicat réformé des routiers, avaient bouleversé l’agenda. On aurait tout juste le temps de procéder aux premiers essais en vol et de remplir les contrats d’assurances dans les derniers mois de 2060, avant qu’Univers quitte l’orbite terrestre pour son rendez-vous. Et il s’en faudrait de bien peu : la comète de Halley n’attendrait pas, pas même pour Sir Lawrence Tsung.

 

9. Le mont Zeus

 

Le satellite d’observation Europa VI, sur orbite depuis près de quinze ans, avait largement dépassé ses prévisions de vie. Quant à savoir si cela valait la peine de le remplacer, c’était le sujet d’innombrables débats dans la communauté scientifique de Ganymède.

Il était équipé des habituels instruments d’information complétés par un système pratiquement caduc de transmission d’images. Mais bien que toujours en parfait état de marche, il n’avait rien d’autre à montrer d’Europe qu’une couverture de nuages uniforme. L’équipe scientifique surmenée de Ganymède visionnait rapidement les enregistrements une fois par semaine et retransmettait à la Terre l’information brute. Dans l’ensemble, les savants avouaient qu’ils seraient plutôt soulagés quand Europa VI expirerait et que ce torrent d’informations sans intérêt serait enfin tari.

Et voilà que soudain, pour la première fois depuis des années, il se produisait quelque chose de passionnant.

— Orbite 71934, dit l’astronome en chef adjoint qui avait appelé Van der Berg dès l’évaluation des derniers renseignements. Arrivant de la face nocturne et se dirigeant droit sur le mont Zeus. Mais vous n’allez rien voir avant dix secondes.

L’écran était complètement noir. Pourtant Van der Berg pouvait imaginer le paysage gelé passant sous la couche de nuages mille kilomètres plus bas. Dans quelques heures, le lointain Soleil y brillerait, car Europe tournait autour de son axe en sept jours terrestres. La face nocturne aurait dû être appelée en réalité face crépusculaire, parce que pendant la moitié du temps elle recevait assez de lumière, mais aucune chaleur. Néanmoins, le nom inapproprié était resté, à cause de sa valeur émotionnelle : Europe connaissait l’aurore, le lever du soleil, mais jamais le lever de Lucifer.

Et l’aurore arrivait à présent, accélérée mille fois par la sonde ultra-rapide. Une bande vaguement lumineuse traversa l’écran alors que l’horizon émergeait des ténèbres.

L’explosion de lumière fut si subite que Van der Berg crut presque regarder l’éclat d’une bombe atomique. En une fraction de seconde, elle passa par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel puis elle devint d’un blanc pur quand le soleil bondit au-dessus de la montagne… et disparut au moment où les filtres automatiques entrèrent en action.

— C’est tout. Dommage qu’il n’y ait pas eu d’opérateur de service, sur le moment, il aurait pu pointer la caméra vers le bas et avoir une bonne image de la montagne pendant le survol. Mais je savais que vous voudriez voir ça, même si ça réfute votre hypothèse.

— Comment cela ? demanda Van der Berg, plus perplexe qu’irrité.

— Quand vous regarderez ça au ralenti, vous comprendrez. Ce magnifique effet d’arc-en-ciel, ce n’est pas atmosphérique, c’est provoqué par la montagne elle-même. Seule de la glace pourrait faire ça. Ou du verre, ce qui ne paraît pas très vraisemblable.

— Pas impossible. Les volcans produisent du verre naturel mais en général il est noir… Bien sûr !

— Oui ?

— Euh… Je ne veux pas m’engager avant d’avoir étudié tous les renseignements, mais à mon avis, cela pourrait être du cristal de roche, un quartz transparent. On en fabrique de superbes prismes et des lentilles. Y a-t-il des chances d’obtenir d’autres observations ?

— Hélas non. Celle-ci était un pur hasard, le soleil, la montagne et la caméra tous alignés au bon moment. Cela ne se reproduira plus en mille ans.

— Merci quand même. Pouvez-vous m’envoyer une copie ? Rien ne presse. Je dois partir maintenant pour un voyage d’études à Perrine, alors je ne pourrai l’examiner qu’à mon retour, dit Van der Berg avec un petit rire bref, comme pour s’excuser. Vous savez, si c’était vraiment du cristal de roche, ça vaudrait une fortune. Ça pourrait même résoudre notre problème de la balance du budget…

Mais cela, naturellement, était du domaine du fantastique pur. Quelles que soient les merveilles – ou les trésors – recelées par Europe, l’accès en était interdit à la race humaine par ce dernier message de Discovery. Cinquante ans plus tard, aucun signe n’indiquait que l’interdiction eût été révoquée.

 

10. La nef des fous

 

Pendant les premières quarante-huit heures du voyage, Heywood Floyd n’arrivait pas à croire au confort, à l’espace vital, au luxe inimaginable des installations d’Univers. En revanche, la plupart de ses compagnons de voyage trouvaient cela tout naturel ; ceux qui n’avaient encore jamais quitté la Terre pensaient sans doute que tous les vaisseaux spatiaux étaient ainsi.

Il ne pouvait s’empêcher de revenir en arrière, aux temps héroïques de l’astronautique, pour remettre les choses dans la bonne perspective. Au cours de sa propre existence, il avait assisté à la révolution – et l’avait même vécue – survenue dans les cieux de la planète qui rapetissait en ce moment derrière lui. Cinquante ans exactement séparaient le vieux Leonov lourdaud de cet Univers sophistiqué. (Il ne pouvait réellement y croire, émotionnellement, mais il était impossible de discuter avec l’arithmétique.)

Et tout juste cinquante ans avaient séparé les frères Wright des premiers avions commerciaux à réaction. Au commencement de ce demi-siècle, d’intrépides aviateurs avaient fait des sauts de puce de prairie en prairie, les yeux protégés par de grosses lunettes et exposés à tous les vents dans des sièges de bois ; sur la fin, des grand-mères dormaient paisiblement d’un continent à l’autre à mille kilomètres à l’heure.

Il n’aurait donc pas dû tellement s’étonner du luxe et de l’élégance de sa cabine, ni même d’avoir un steward pour la tenir en ordre. Le vaste hublot était ce qu’il y avait de plus effarant et au début il éprouva un malaise réel à la pensée des tonnes de pression atmosphérique qu’il contenait pour faire échec à l’implacable et immuable vide de l’espace.

La plus grande surprise, à laquelle pourtant la littérature scientifique aurait dû le préparer, était la présence de gravité. Univers était le premier vaisseau spatial construit pour croiser en accélération (ou décélération) continue, à part les quelques heures de demi-tour à mi-parcours. Quand ses énormes réservoirs de carburant étaient pleinement chargés de leurs cinq mille tonnes d’eau, il arrivait à un dixième de G, peu de chose mais assez pour éviter que les objets non arrimés ne se promènent partout. C’était particulièrement commode aux heures des repas, mais il fallut quand même quelques jours aux passagers pour apprendre à ne pas tourner leur potage trop vigoureusement.

À quarante-huit heures de la Terre, la population d’Univers s’était déjà stratifiée en quatre classes distinctes.

L’aristocratie se composait du capitaine Smith et de ses officiers. Ensuite venaient les passagers, puis l’équipage, sous-officiers et stewards. Et il y avait enfin l’entrepont…

C’était le titre que s’étaient attribué les cinq jeunes spatiologues, d’abord en manière de plaisanterie et ensuite avec une certaine amertume. Quand Floyd comparait leurs aménagements exigus et leur installation de fortune avec sa somptueuse cabine, il comprenait leur point de vue ; petit à petit, il devint la courroie de transmission de leurs plaintes au capitaine.

Tout bien considéré, cependant, ils n’avaient guère de raisons de ronchonner ; dans la précipitation des derniers préparatifs, c’était tout juste si l’on était sûr qu’il y aurait de la place pour leur matériel. Maintenant, ils avaient l’espoir de déployer leurs instruments autour de la comète – et dessus – avant qu’elle contourne le Soleil et reparte vers l’extrémité du système solaire. Les membres de l’équipe scientifique allaient fonder leur réputation sur ce voyage, ils en avaient la certitude. Ce n’était que dans les moments d’épuisement ou de rage contre des instruments récalcitrants qu’ils se plaignaient de la climatisation bruyante, des cabines ridiculement petites et de bizarres odeurs d’origine inconnue.

Mais jamais des repas qui, de l’avis de tout le monde, étaient excellents.

— Bien meilleurs, leur assurait le capitaine Smith, que ce que Darwin avait à bord du Beagle.

À quoi Victor Willis rétorqua une fois :

— Qu’est-ce qu’il en sait ? Et d’abord, le commandant du Beagle s’est tranché la gorge, à son retour en Angleterre.

C’était une réflexion assez caractéristique de Victor, le plus renommé sans doute des spécialistes en communication scientifique de la planète (aux yeux de ses admirateurs) ou des savants « pop » (pour ses détracteurs, tout aussi nombreux, qu’il aurait été injuste toutefois d’appeler des ennemis ; l’admiration de son talent était universelle, bien que souvent accordée à contrecœur). Son accent doux et chantant du mi-Pacifique et ses gestes éloquents devant les caméras étaient souvent parodiés et on lui attribuait l’honneur (ou la honte) du renouveau de la barbe. « Un homme qui se laisse pousser tant de poils, aimaient à dire ses critiques, doit avoir quelque chose à cacher. »

Parmi les six VIP, Floyd était incontestablement le plus facile à identifier, bien qu’il ne se considérât plus comme une célébrité. Il appelait ironiquement les autres les « Fameux Cinq ». Yva Merlin pouvait se promener à l’occasion dans Park Avenue sans être reconnue, quand il lui arrivait, très rarement, d’émerger de son appartement. Dimitri Mihailovitch, à son profond chagrin, avait quinze bons centimètres de moins que la taille moyenne ; cela expliquait peut-être son goût pour les orchestres de mille instruments – réels ou synthétisés – mais n’était pas d’un bien grand secours pour son image de marque.

Clifford Greenberg et Margaret M’Bala entraient aussi dans la catégorie des « illustres inconnus », mais cela changerait vite à leur retour sur Terre. Le premier homme à avoir atterri sur Mercure avait une de ces figures anonymes sympathiques dont on a du mal à se souvenir ; et puis il y avait trente ans qu’il n’avait plus accaparé la une des journaux. Quant à Mme M’Bala, comme la plupart des auteurs qui fuyaient les débats télévisés, les interviews et les chasseurs d’autographes, l’immense majorité de ses lecteurs ne risquait pas de la reconnaître.

Sa célébrité littéraire avait été une des sensations des années 40. Une étude érudite du panthéon grec n’avait logiquement aucune chance de figurer sur les listes de best-sellers, mais elle avait placé ces inépuisables mythes éternels dans un décor contemporain de l’ère spatiale. Des noms qui un siècle plus tôt n’étaient familiers qu’aux astronomes et aux universitaires classiques faisaient maintenant partie du paysage culturel de toute personne tant soit peu instruite ; presque tous les jours, il y avait des nouvelles de Ganymède, Callisto, Io, Titan, Iapetus, ou même de mondes encore plus obscurs comme Carme, Pasiphaé, Hypérion ou Phébé…

Son livre n’aurait néanmoins eu qu’un succès d’estime si elle ne s’était particulièrement intéressée à la vie de famille compliquée de Jupiter-Zeus, père de tous les dieux (et de bien d’autres choses). Et par un coup de chance, un éditeur génial avait changé son titre initial, Vue de l’Olympe, en Passions des Dieux. Des universitaires envieux allaient jusqu’à le baptiser Lubricité olympienne mais regrettaient bien de ne pas l’avoir écrit.

Assez naturellement ce fut Maggie M. – comme elle fut rapidement surnommée par ses compagnons de voyage – qui employa la première l’expression Nef des fous. Victor Willis l’adopta avec empressement et découvrit bientôt une curieuse résonance historique. Près d’un siècle plus tôt Katherine Ann Porter était partie avec un groupe de savants et d’écrivains à bord d’un paquebot océanique, pour assister au lancement d’Apollo 17 et à la fin de la première phase de l’exploration lunaire.

— J’y réfléchirai, observa Mme M’Bala sur un ton menaçant quand on le lui rappela. Il est peut-être temps d’une troisième version. Mais je ne peux rien savoir, évidemment, avant notre retour sur la Terre…

 

11. Le mensonge

 

Plusieurs mois s’écoulèrent avant que Rolf Van der Berg puisse de nouveau consacrer sa réflexion et son énergie au mont Zeus. L’aménagement de Ganymède lui avait pris tout son temps et il lui arrivait de s’absenter des semaines durant de son bureau principal de la base de Dardanus, pour arpenter la voie du futur monorail Gilgamesh-Osiris.

La géographie du troisième et plus grand satellite galiléen avait radicalement changé depuis l’explosion de Jupiter, et continuait de se transformer. Le nouveau soleil qui avait fait fondre la glace d’Europe n’était pas aussi puissant à cette distance, quatre cent mille kilomètres plus loin, mais il était assez chaud pour fournir un climat tempéré à la face perpétuellement tournée vers lui. Il y avait de petites mers peu profondes – dont une aussi grande que la Méditerranée – jusqu’à 40° de latitude nord et sud. On ne reconnaissait plus grand-chose des cartes tracées par les missions Voyager du XXe siècle. La fonte du permafrost et les mouvements tectoniques occasionnels, déclenchés par les efforts conjugués de l’attraction des deux autres lunes proches de Jupiter, faisaient de la nouvelle Ganymède un cauchemar pour les cartographes.

Mais ces mêmes facteurs en faisaient un paradis pour les ingénieurs planétaires. C’était le seul monde – en dehors de Mars, aride et très peu hospitalier – sur lequel l’homme marcherait peut-être un jour sans avoir à se protéger, sous un ciel dégagé. Ganymède regorgeait d’eau, de tous les composants chimiques de la vie et – tout au moins quand Lucifer brillait – son climat était plus chaud que celui de la Terre.

Surtout, les combinaisons spatiales intégrales n’étaient plus nécessaires ; l’atmosphère, bien qu’encore irrespirable, était assez dense pour qu’on puisse se contenter de simples masques et de bouteilles d’oxygène. Dans quelques dizaines d’années – promettaient les microbiologistes tout en restant plutôt vagues sur les dates précises –, on pourrait même s’en passer. Des cultures de bactéries génératrices d’oxygène avaient déjà été entreprises à la surface de Ganymède ; la plupart avaient échoué mais certaines étaient florissantes et à tous les visiteurs de Dardanus on exhibait fièrement la courbe en lente élévation de l’analyse atmosphérique.

Pendant longtemps, Van der Berg garda un œil vigilant sur les informations en provenance d’Europa VI, dans l’espoir qu’un jour les nuages se dégageraient encore au moment où l’orbite du satellite l’amènerait au-dessus du mont Zeus. Il savait que les chances étaient infimes mais tant que cela restait du domaine du possible, il ne fit aucun effort pour explorer d’autres domaines de recherche. Rien ne pressait, il avait sur les bras un travail beaucoup plus important et, d’ailleurs, l’explication risquait de se révéler banale et sans intérêt.

Et puis Europa VI disparut subitement, sans doute à la suite d’un impact météorique. Sur Terre, Victor Willis se ridiculisa – de l’avis général – en interviewant les « eurodingues » qui remplissaient à merveille le vide laissé par les amateurs d’OVNI du siècle précédent. Certaines personnes affirmaient que la disparition de la sonde était due à une action hostile des habitants d’Europe ; le fait qu’ils l’eussent laissée fonctionner sans intervention pendant quinze ans – près du double de son existence prévue – ne les gênait pas du tout. Il faut dire à l’honneur de Victor qu’il souligna ce point et démolit la plupart des autres arguments des « cultistes », mais tout le monde s’accordait à penser qu’il n’aurait jamais dû leur donner une telle publicité.

Pour Van der Berg, qui aimait bien que ses confrères l’appellent le « Hollandais têtu » et faisait de son mieux pour mériter ce surnom, la fin d’Europa VI était un défi irrésistible. Il n’y avait pas le moindre espoir de crédits pour le remplacer car le brusque silence de cette sonde inutilement bavarde et à la longévité embarrassante était, pour les savants, un soulagement considérable.

Alors, quel choix lui restait-il ? Van der Berg considéra les différentes options possibles. Comme il était géologue, et non astrophysicien, il lui fallut plusieurs jours pour se rendre compte que la solution lui sautait aux yeux depuis qu’il avait atterri sur Ganymède.

L’afrikaans est une langue riche en jurons. Van der Berg jura et pesta pendant quelques minutes, puis demanda la communication avec l’observatoire de Tiamat, situé juste sur l’équateur, à la verticale du minuscule disque éblouissant de Lucifer.

 

Les astrophysiciens, qui s’occupent des objets les plus considérables de l’univers, ont tendance à traiter avec condescendance les simples géologues, qui consacrent leur vie à de petites choses malpropres telles que les planètes. Mais là dans les marches, à la frontière, tout le monde s’entraidait et le professeur Wilkins se montra non seulement intéressé mais aussi d’un grand secours.

L’observatoire de Tiamat avait été construit dans l’unique intention d’étudier Lucifer – c’était d’ailleurs un des motifs de l’établissement d’une base sur Ganymède. Étude d’une importance capitale, non seulement pour la recherche fondamentale mais aussi pour les ingénieurs nucléaires, les météorologues, les océanographes et, surtout, les hommes d’État et les philosophes. Que des êtres fussent capables de transformer une planète en soleil, c’était une pensée affolante qui empêchait bien des gens de dormir. L’humanité devait donc apprendre tout ce qu’elle pourrait sur ce processus ; un jour on aurait peut-être besoin de le reproduire… ou de le combattre.

Ainsi, depuis plus de dix ans, Tiamat observait Lucifer avec tous les types d’instruments possibles, enregistrait continuellement son spectre dans toute la gamme de fréquences électromagnétiques et le sondait aussi, activement, au radar depuis une modeste antenne parabolique de cent mètres jetée en travers d’un petit cratère météorique.

— Oui, répondit le Pr Wilkins, nous avons souvent examiné Europe et Io. Mais notre faisceau est braqué sur Lucifer, alors nous ne les apercevons que quelques minutes lorsqu’elles le traversent. Et votre mont Zeus est justement sur la face diurne, si bien qu’il est toujours caché à ce moment-là.

— Je comprends bien ! s’écria impatiemment Van der Berg. Mais est-ce que vous ne pourriez pas dévier légèrement le faisceau, de manière à jeter un coup d’œil sur Europe avant qu’elle n’arrive en ligne ? Dix ou vingt degrés vers la face éclairée suffiraient amplement.

— Un degré suffirait pour rater Lucifer et avoir Europe de face sur l’autre côté de son orbite. Mais à ce moment, elle serait trois fois plus éloignée, alors nous n’aurions qu’un écho cent fois plus faible… Ça pourrait marcher, quand même… Nous allons essayer. Donnez-moi les spécifications en matière de fréquences, de diagrammes d’émission, de polarisation, tout ce que vos spécialistes de la télédétection jugeront utile. Il ne nous faudra pas longtemps pour installer un système de déphasage qui fera glisser le faisceau de deux ou trois degrés. Au-delà, je ne peux rien dire, c’est un problème que nous n’avons jamais considéré. Nous aurions dû, peut-être… Enfin, qu’est-ce que vous espérez trouver sur Europe, à part de la glace et de l’eau ?

— Si je le savais, répliqua gaiement Van der Berg, je ne demanderais pas d’aide, n’est-ce pas ?

— Bon. Je ne revendiquerais pas tout l’honneur quand vous publierez vos résultats. Dommage que mon nom soit à la fin de l’alphabet ; mais vous ne me précéderez que d’une lettre.

Il y avait de cela un an ; les observations à longue portée n’avaient pas été très bonnes et le décalage du faisceau pour regarder la face diurne d’Europe juste avant la conjonction s’était révélé plus difficile que prévu. Mais, enfin, les résultats étaient là ; les ordinateurs les avaient digérés et Van der Berg fut le premier être humain à contempler une carte minéralogique d’Europe post-Lucifer.

C’était, comme l’avait dit le Pr Wilkins, essentiellement de la glace et de l’eau, avec des éperons de basalte parsemés de dépôts de soufre. Mais il y avait deux anomalies.

L’une d’elles semblait provenir d’un défaut du système de génération ; il y avait un trait absolument rectiligne, de deux kilomètres de long, qui ne renvoyait virtuellement pas d’écho radar. Van der Berg laissa le Pr Wilkins se casser la tête là-dessus ; lui-même ne s’intéressait qu’au mont Zeus.

Il avait mis longtemps à procéder à l’identification, parce que seul un fou – ou un scientifique vraiment désespéré – aurait jamais rêvé à une telle possibilité. Encore à présent, en possession de tous les paramètres vérifiés aux limites de la précision, il n’y croyait pas réellement. Et il n’avait même pas tenté d’envisager la suite.

Quand le Pr Wilkins téléphona, avide de voir son nom figurer dans toutes les banques de données, il marmonna qu’il était encore en train d’analyser les résultats. Mais, finalement, il ne put reculer davantage.

— Rien de bien passionnant, dit-il à son confrère. Simplement une forme assez rare de quartz, je cherche encore un équivalent parmi les échantillons terrestres.

C’était la première fois qu’il mentait à un confrère scientifique et il en éprouvait un terrible remords.

Mais quel autre choix avait-il ?

 

12. Oom Paul

 

Rolf Van der Berg n’avait pas vu son oncle Paul depuis dix ans et il n’était guère probable qu’il le reverrait un jour en chair et en os. Cependant, il se sentait très proche du vieux savant, le dernier de sa génération et le seul qui pût encore évoquer (quand il le voulait, c’est-à-dire rarement) le mode de vie de ses ancêtres.

Le Pr Paul Kreuger – « Oom Paul » pour toute sa famille et la plupart de ses amis – était toujours là quand on avait besoin de lui, pour un renseignement ou un conseil, que ce soit en personne ou à l’autre bout d’une liaison radio de cinq cents millions de kilomètres. Le bruit courait que seules des pressions politiques avaient contraint le comité Nobel à négliger ses travaux sur la physique des particules, domaine où régnait un effroyable désordre après le grand ménage de la fin du XXe siècle.

À vrai dire, le Pr Kreuger n’en éprouvait aucun ressentiment. Modeste et discret, il avait peu d’ennemis personnels, même parmi les plus hargneux de ses compatriotes exilés. Il était même si universellement respecté qu’il avait été invité à plusieurs reprises à retourner en visite aux États-Unis d’Afrique du Sud mais avait toujours poliment refusé, non pas, se hâtait-il d’expliquer, qu’il craignît de courir quelque danger aux USSA mais il avait peur d’être trop bouleversé par ce retour au pays natal.

Même sous le couvert d’une langue parlée aujourd’hui par moins d’un million de personnes, Van der Berg se montra extrêmement discret, s’abritant derrière des circonlocutions et des allusions incompréhensibles à d’autres que ses proches. Mais Paul n’eut aucun mal à saisir le message de son neveu, sans pour autant le prendre au sérieux. Il craignait que le jeune Rolf ne se ridiculisât, ne se fût déjà ridiculisé. Heureusement qu’il ne s’était pas précipité pour publier sa découverte ; il avait eu au moins assez de bon sens pour se taire…

Mais une supposition… une simple supposition… Si c’était vrai ? Les derniers cheveux de Paul se dressèrent sur sa tête. Tout un spectre de possibilités – scientifiques, financières, politiques – apparaissait soudain devant ses yeux, et plus il les considérait, plus il était impressionné.

Contrairement à ses pieux ancêtres, le Pr Kreuger n’avait aucun Dieu à qui s’adresser dans les moments de crise ou de perplexité. Il le regrettait à présent, mais même s’il avait pu prier, cela ne l’eût sans doute pas aidé. En s’asseyant devant son ordinateur pour taper les codes d’accès aux mémoires, il ne savait même pas s’il devait espérer que son neveu eût fait une fabuleuse découverte ou qu’il dît n’importe quoi. Se pourrait-il que le Vieux Malin eût joué un tour aussi incroyable à l’humanité ? Paul se rappelait la célèbre réflexion d’Einstein, disant que si Dieu était subtil, il n’était jamais méchant.

Cesse de rêver, se dit le Pr Paul Kreuger. Tes espoirs et tes craintes n’ont absolument rien à voir avec la question…

Un défi lui était lancé à travers le système solaire ; il n’aurait pas de repos avant d’avoir découvert la vérité.

 

13. « Personne ne nous a dit d’apporter nos maillots… »

 

Le capitaine Smith garda sa petite surprise jusqu’au Jour 5, quelques heures à peine avant la manœuvre de retournement. Son annonce provoqua, comme il s’y attendait, une stupéfaction incrédule.

Victor Willis fut le premier à s’en remettre.

— Une piscine dans un vaisseau spatial ? Vous vous fichez de nous !

Le capitaine se carra dans son siège et s’apprêta à s’amuser. Il sourit largement à Heywood Floyd, qui avait été déjà mis dans la confidence.

— Ma foi, je suppose que Christophe Colomb aurait été ahuri par le confort des navires qui l’ont suivi.

— Est-ce qu’il y a un plongeoir ? demanda Greenberg avec nostalgie. J’étais champion universitaire, dans le temps.

— Eh bien oui, justement. Il n’est que de cinq mètres, mais cela vous donnera trois secondes de chute libre à notre dixième de G. Et si vous voulez un plongeon plus long, je suis sûr que M. Curtis se fera un plaisir de réduire la poussée.

— Vraiment ! s’exclama l’ingénieur principal. Et bousiller tous mes calculs d’orbite ? Sans parler du risque d’écoulement d’eau ! La tension de surface, vous savez…

— Est-ce qu’il n’y a pas eu une station spatiale, une fois, qui avait une piscine sphérique ? demanda quelqu’un.

— On a essayé ça dans le moyeu du vaisseau de Pasteur, avant la mise en rotation, répondit Floyd, mais ce n’était pas pratique. Avec une gravité zéro, elle devait être hermétiquement fermée. Et on peut très facilement se noyer dans une grande sphère d’eau, pour peu qu’on soit pris de panique.

— Une façon de figurer dans les livres des records, la première personne à se noyer dans l’espace…

— Personne ne nous a dit d’apporter nos maillots ! protesta Maggie M’Bala.

— Toute femme qui pense à mettre un maillot doit en avoir besoin, chuchota Mihailovitch à Floyd.

Le capitaine Smith tapa sur la table pour rétablir le calme.

— Écoutez-moi, je vous en prie. Comme vous le savez, à minuit nous atteindrons la vitesse maximale et devrons commencer la décélération. La poussée sera donc arrêtée à 23 heures et le vaisseau se retournera. Nous aurons deux heures d’apesanteur avant que la poussée reprenne à 1 heure. Comme vous pouvez l’imaginer, l’équipage sera assez occupé, nous profiterons de l’occasion pour effectuer une révision complète des moteurs et une inspection de la coque, qui ne peuvent être faites en marche. Je vous conseille à tous de dormir à ce moment-là, avec vos sangles de sécurité bien bouclées sur vos lits. Les stewards veilleront à ce qu’il n’y ait pas d’objets non arrimés qui pourraient provoquer des accidents avec le retour de la pesanteur. Y a-t-il des questions ?

Un profond silence lui répondit, comme si les passagers étaient encore suffoqués par la révélation et se demandaient ce qu’ils devaient en penser.

— J’espérais que vous m’interrogeriez sur le coût d’une installation si luxueuse mais puisque vous n’en faites rien, je vais vous le dire quand même. Ce n’est pas du tout un luxe, cela ne coûte rien du tout, mais nous espérons que ce sera un élément de confort appréciable au cours des futurs voyages.

« Nous devons, voyez-vous, transporter cinq mille tonnes d’eau comme masse de réaction, alors autant en faire un bon usage. Le réservoir n° 1 est maintenant aux trois quarts vide ; nous le garderons ainsi jusqu’à la fin du voyage. Alors demain, après le petit déjeuner… rendez-vous à la plage !

 

Compte tenu de la précipitation qui avait précédé le lancement d’Univers, c’était surprenant qu’on eût pu consacrer du temps à quelque chose d’aussi spectaculairement inutile.

La « plage » était une plate-forme de métal d’environ cinq mètres de large, occupant un tiers de la circonférence de l’immense réservoir. Bien que la paroi du fond ne fût qu’à vingt mètres, une projection astucieuse d’images donnait une impression d’infini. Portés sur les vagues à moyenne distance, des surfeurs filaient vers une plage qu’ils n’atteindraient jamais. Derrière eux, un magnifique voilier de croisière que n’importe quel agent de voyages aurait instantanément reconnu, le Tai-Pan de la Tsung Sea-Space Corporation, naviguait sur l’horizon toutes voiles déployées.

Pour compléter l’illusion, il y avait même du sable (légèrement magnétisé pour qu’il ne se hasarde pas trop loin de l’endroit qui lui était imposé) et la petite plage s’adossait à un bosquet de palmiers tout à fait réalistes, si on ne les examinait pas de trop près. Au-dessus, un chaud soleil tropical parachevait ce tableau idyllique ; il était difficile de croire que derrière ces parois le vrai Soleil brillait en ce moment deux fois plus dangereusement que sur n’importe quelle plage terrestre.

Le décorateur avait réellement accompli des miracles dans l’espace limité mis à sa disposition. On trouva un peu injuste le commentaire grommelé par Greenberg :

— Il n’y a même pas de ressac.

 

14. Recherche

 

C’est un principe scientifique de base que de ne jamais croire à un « fait » – même attesté – avant d’avoir réussi à le replacer dans un cadre de références. À l’occasion, bien sûr, une observation peut faire éclater son cadre et obliger à en construire un nouveau, mais c’est extrêmement rare. Les Galilée et les Einstein apparaissent rarement plus d’une fois par siècle, ce qui vaut infiniment mieux pour l’égalité d’humeur de l’humanité.

Le Pr Kreuger adhérait totalement à ce principe ; il n’allait pas croire à la découverte de son neveu tant qu’il ne pourrait pas expliquer ce qui lui paraissait relever d’une intervention divine. Tout en maniant son rasoir Occam encore parfaitement utilisable, il pensait qu’il était plus que probable que Rolf avait commis une erreur ; dans ce cas, il serait relativement facile de la trouver.

À la profonde surprise de l’oncle Paul, cela se révéla extrêmement difficile. L’analyse des observations du radar télésenseur était à présent un art bien établi, et tous les experts que consultait Paul lui donnaient la même réponse, après des retards et délais considérables. Ils demandaient tous :

— Où diable avez-vous trouvé cet enregistrement ?

— Désolé, je ne suis pas libre de le révéler, répondait-il.

Il fallut donc bien supposer que l’impossible était réel et commencer des recherches dans la littérature scientifique. Cela risquait d’être une tâche énorme et il ne savait même pas par où commencer. Une chose était tout à fait certaine : une attaque bille en tête serait vouée à l’échec. Ce serait comme si Röntgen, dès le lendemain de sa découverte des rayons X, s’était mis à rechercher leur explication dans les revues de physique de son époque. L’information ne pouvait venir que bien des années plus tard.

Mais il y avait au moins une chance que ce qu’il cherchait fût caché quelque part dans la gigantesque somme de connaissances de la science actuelle. Lentement et prudemment, Paul Kreuger mit en place un programme de recherche automatique, conçu pour écarter toute information inutile et ne retenir que l’essentiel. C’est-à-dire qu’il devait négliger toutes les références à des phénomènes terrestres – il devait y en avoir des millions – pour ne se concentrer que sur les observations extraterrestres.

Un des avantages de la position éminente du Pr Kreuger était qu’il disposait d’un budget informatique illimité ; c’était une des conditions qu’il exigeait des divers organismes qui sollicitaient ses conseils. Cette recherche-ci serait extrêmement coûteuse mais au moins il n’aurait pas à se soucier de la facture.

Pourtant, le coût fut étonnamment réduit. Il eut de la chance ; sa recherche se termina après seulement deux heures et vingt-sept minutes, à la 21 456e référence.

Le titre suffisait. Paul était tellement surexcité que son comsec lui-même refusa de reconnaître sa voix et qu’il dut répéter l’ordre par le biais de l’imprimante.

Nature avait publié un article en 1981 – près de cinq ans avant sa naissance ! – et tandis que ses yeux parcouraient rapidement la page, il comprit que son neveu avait raison et même, ce qui était tout aussi important, comment un tel miracle avait pu se produire.

Le rédacteur en chef de cette revue vieille de quatre-vingts ans devait posséder un excellent sens de l’humour. Un article décrivant les noyaux des planètes extérieures n’avait pas de quoi passionner le lecteur éventuel ; mais le titre était singulièrement accrocheur. Son comsec aurait pu lui révéler assez rapidement que ces mots venaient d’une chanson célèbre mais, naturellement, ce n’était pas là le problème.

D’ailleurs, Paul Kreuger n’avait jamais entendu parler des Beatles et de leurs fantaisies psychédéliques.

 

2061 : odyssée trois
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